Professeur de Littératures comparées
Littérature et arts africains, littérature et anthropologie
Courrier électronique : Alain-Michel Boyer
Les anthropologues sont-ils des romanciers ratés, comme le prétend Edmund Leach (lui-même anthropologue) ? Pourtant, trois des grands ethnologues du XXe siècle, le romancier brésilien Darcy Ribeiro, le Péruvien José Maria Arguedas et le Français Michel Leiris, sont aussi des écrivains majeurs ; et Lévi-Strauss, dans sa conférence sur Rousseau, ne demande-t-il pas : « L’ethnologue écrit-il autre chose que des confessions ? » Depuis les balbutiements de l’ethnologie, au XVIe siècle, (…)
Si un homme du XIXe siècle avait tenu ce livre entre ses mains, s’il s’était obstiné à regarder ces œuvres africaines, il ne les aurait pas vues. Pas vues du tout. Elles n’auraient été pour lui que des bouts de bois hideux, grotesques, des rondins ridicules, et notre homme aurait été semblable aux explorateurs en Afrique du premier roman de Jules Verne, Cinq semaines en ballon, qui trébuchent avec dégoût, dans un village, sur des « poteaux de bois qui avaient la prétention d’être sculptés ». (…)
En Afrique, les mythes d’origine, les chants et poèmes, les contes et récits initiatiques, les masques et la statuaire sont d’autant plus sacrés qu’ils sont marqués, à tout moment, du sceau du secret. Comme toute hiérophanie n’est réservée qu’à quelques privilégiés, il existe, chez beaucoup de peuples, une force du caché qui rehausse le sacré, une énergie de la dissimulation seule en mesure de produire toujours plus de numineux, car elle ajoute une puissance à l’élément religieux et, (…)