Lorsque dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle, l’Europe littéraire se tourne vers les ballades issues de la poésie orale, grâce à James Macpherson, l’évêque Percy, Herder ou les frères Grimm, elle redécouvre avec enthousiasme une forme de chanson narrative relativement brève. Les poètes romantiques l’imitent bientôt, fascinés par son alliance inédite de simplicité et de mystère, lui conférant « quelque chose de mystérieux sans être mystique » (Goethe). Cette ballade, qui nourrit l’imaginaire anglais, allemand, espagnol, français, polonais, russe, continue parallèlement à vivre dans les traditions populaires orales ; on la recueille jusque dans les marges de l’Europe - en Finlande, en Russie, dans les Balkans, en Grèce et même dans l’Inde coloniale. Incarnant la « poésie de nature », « l’âme d’un peuple », la ballade permet de redécouvrir un rythme, un vers ou une musique ; elle en vient parfois à se charger de visées nationalistes. Le genre de la ballade apparaît ainsi comme une forme qui interroge les notions de culture populaire ou de poésie orale, la théorie poétique romantique, les liens entre littérature et musique, les transferts culturels ou encore la dimension littéraire de la construction identitaire.
Claudine Le Blanc, Judith Labarthe, La Ballade, (XVIIIe –XXe siècles) : Littérature savante, littérature populaire et musique, Nantes, Cécile Defaut, coll. « Horizons comparatistes », 2008, 256 p.