La technologie numérique s’impose de plus en plus comme instrument majeur de la médiation culturelle patrimoniale, tant matérielle qu’immatérielle, dans le domaine muséal comme dans ceux du spectacle ou du livre. Elle suscite un intérêt grandissant car elle accompagne les fortes mutations des pratiques sociales dans le recours aux nouvelles techniques de communication et d’information, nouveaux usages principalement portés par les jeunes générations, mais à diffusion rapide dans tout le corps social malgré le maintien de réelles inégalités. En ce sens, elle retient l’attention des responsables des équipements culturels car elle semble dotée de qualités susceptibles de contribuer avec une plus grande efficacité à l’élargissement des publics et à une avancée significative en termes de démocratisation culturelle par comparaison avec tout ce qui a été mobilisé jusqu’à présent.
Cependant il existe un réel danger de voir les pouvoirs publics se contenter d’un affichage de la modernité, en sacralisant le recours à l’outil, sans véritable réflexion approfondie sur l’environnement pédagogique de son utilisation et sa riche potentialité de renouvellement en termes de médiation et de valorisation. Dans les discours de nombre d’équipements culturels et de collectivités territoriales qui les financent, on en reste trop souvent au stade de la communication sur la position d’avant-garde, sans entrer dans une discussion poussée et argumentée de tous les changements méthodologiques à introduire en s’appuyant sur l’ensemble des capacités de la technologie numérique. Le plus souvent, on en reste à l’idée d’un outil qui, par son attractivité ludique, est susceptible d’améliorer le transfert du discours érudit vers les non sachants, ce qui enferme ces derniers dans une forme d’intériorité et de marginalité dès le départ.
Le projet de recherche Culture, Patrimoine, Création et Technologie numérique entend renverser totalement les termes de cette approche réductrice en partant du sujet, riche de tout son capital socio-culturel, pour le positionner en tant qu’acteur décisif de son apprentissage culturel afin d’expliciter les besoins essentiels de médiation auxquels la technologie numérique sera invitée à répondre. L’hypothèse de la recherche scientifique est de partir du « visiteur », entendu dans le sens le plus globalisant du terme comme lecteur, auditeur ou spectateur, doté de son capital d’expériences sociales et culturelles, pour déterminer les meilleures voies de progression possible dans un enrichissement culturel incluant une part variable de connaissances. Le panorama des rencontres scientifiques les plus récentes (INHA ou Quai Branly) souligne la forte originalité de cet angle de vue.
En rompant avec la posture classique de vulgarisation du savoir érudit sous-entendant une relation hiérarchique dans la transmission, le projet de recherche entend discuter des conditions de promotion culturelle des individus à partir de leurs acquis quels qu’ils soient. C’est seulement après avoir fait ce travail de reconstruction des objectifs que le dialogue avec la technologie numérique peut s’établir sur des bases fécondes susceptibles de pousser au maximum l’exploration de tous les procédés mobilisables pour mettre les visiteurs en situation d’être les principaux acteurs de leur progression. Il ne s’agit plus seulement d’adapter un discours savant aux capacités illustratives du numérique, mais de convier ce dernier à un effort d’innovation pour répondre aux énormes défis lancés par la refondation des actions de médiation et de valorisation.
L’enjeu principal de ce projet de recherche est de permettre d’explorer de nouveaux champs d’interactions entre disciplines des sciences humaines et des sciences de l’ingénierie et du numérique. L’abondance des outils informatiques permet à tout et un chacun de simplifier sa vie quotidienne grâce à des compagnons virtuels. Pourtant, les nouvelles interactions du projet proposé vont explorer un champ de recherche encore inconnu. Il conviendra donc de définir les nouvelles méthodologies à mettre en place pour définir ces interactions tant sur le plan épistémologique qu’opérationnel.