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Appel à communication Journée d’études Jeunes chercheurs

L’animal romantique

Date limite : 31 décembre 2020

jeudi 31 décembre 2020, par Bérangère Chaumont

La journée se déroulera en présentiel à l’Université de Nantes, le 11 juin 2021, dans le respect des consignes sanitaires. Selon l’évolution de la situation, une partie des interventions pourra éventuellement se faire à distance.
Nous invitons les jeunes chercheuses et chercheurs, en priorité de l’école doctorale ALL (Université Bretagne-Loire), à interroger les différentes manières dont le romantisme français, considéré comme un moment littéraire et culturel large (1820-1850), conçoit et représente l’animal.

À partir du XVIIIe siècle apparaît une autre conception de l’animal, en opposition avec l’ontologie discontinuiste du vivant de l’âge classique ; les découvertes de l’histoire naturelle amènent à repenser la frontière zoo-anthropologique. L’idée d’une continuité entre les hommes et les animaux irrigue notamment la pensée républicaine et les discours en faveur de la protection animale qui se développent à partir de la période révolutionnaire (Pierre Serna, Comme des bêtes : histoire politique de l’animal en révolution, 2017). Or, durant le premier XIXe siècle, parallèlement à l’essor des publications vulgarisant les connaissances scientifiques, jamais la littérature n’aura de son côté subi une pareille « invasion d’animaux » (Éric Baratay, Élisabeth Hardouin-Fugier, Zoos : histoire des jardins zoologiques en Occident, 1998, p. 185). Par conséquent, si l’articulation entre l’animal et le XIXe siècle dans son ensemble a déjà été envisagée, notamment au cours du colloque organisé par Paule Petitier, L’Animal du XIXe siècle, à l’université Paris-Diderot, en octobre 2008 (http://www.equipe19.univ-paris-dide...), c’est ici plus précisément le lien entre la pensée romantique et l’animal que nous souhaitons interroger. À la suite des récents travaux d’Élisabeth Plas (Le Sens des bêtes. Rhétoriques de l’anthropomorphisme au XIXe siècle, sous la direction de Paolo Tortonese, 2017) qui ont montré en particulier que la curiosité et l’empathie nouvelles pour la faune ont moins fait disparaître le symbolisme animalier dans la première moitié du XIXe siècle qu’elles ne l’ont reconfiguré, nous appelons à une étude approfondie de l’imaginaire romantique de l’animal.

Est-il possible de circonscrire, pour l’ensemble de la période, les contours d’un animal romanticum, sur le modèle de l’homo romanticus de Georges Gusdorf (Le Romantisme II, 1993) ? Doit-on plutôt, considérant avec Claude Millet qu’« il y a moins en France un romantisme, que des romantismes successifs » (Le Romantisme, 2007, p. 14-15), distinguer plusieurs imaginaires de l’animal consécutifs ?

D’une part, pour aborder ces questions, une exploration analytique du bestiaire convoqué par un auteur ou évoqué dans une œuvre significative du romantisme est envisageable, tout comme une réflexion sur les continuités repérables dans le corpus post-romantique. Plusieurs perspectives herméneutiques pourront être retenues, parmi lesquelles :

  • Une « faune romantique » ? Outre l’oiseau, qui « hante le romantisme » au point de mériter une entrée dans le Dictionnaire du romantisme (Alain Vaillant dir., 2012, p. 524), quels sont les animaux privilégiés par les auteurs romantiques ? Peut-on repérer des invariants dans leurs représentations ? Quelle place notamment pour les petites bêtes, les insectes, et plus largement pour ce qu’Anne Simon nomme « l’infra-animalité », soit « les animaux jugés inférieurs en taille et en valeur aux humains » (« Animots infimes d’Anne Simon », Le carnet de Techniques & Culture, 16/01/2018, https://tc.hypotheses.org/798) ? Quelle importance est accordée, dans cette littérature, aux créatures fabuleuses, aux hybrides, aux métamorphoses ? Dans quelle mesure les discours et débats scientifiques contemporains (comme la querelle Cuvier / Geoffroy Saint-Hilaire au début des années 30) informent-ils le traitement littéraire de l’animal ?
  • Les fonctions symboliques et métaphoriques du bestiaire. On pourra notamment réfléchir aux enjeux du recours à des analogies animales, qu’ils soient diégétiques, esthétiques (poétique du difforme, du grotesque et de la démesure), politiques (de la caricature zoomorphique à visée satirique à la représentation symbolique des exclus de l’Histoire), ontologiques (figurations de l’homo duplex ou des abîmes intérieurs) ou métapoétiques (la bête comme métaphore de l’artiste romantique, voire de son style). L’on pourra également s’interroger sur le réinvestissement de certains genres faisant la part belle aux animaux allégoriques, tels les apologues, comme les Scènes de la vie privée et publique des animaux publiées par Hetzel en 1842.
  • Une pensée philosophique de l’animal. Alors que le romantisme promeut le « Poète-Penseur » et le « Mage » (Paul Bénichou, Le Sacre de l’écrivain 1750-1780, 1973 et Les Mages romantiques, 1988), puis assigne à l’œuvre d’art de hautes ambitions philosophiques, quelle importance et quelles formes prennent, dans le corpus romantique, des réflexions sur l’ontologie et l’éthique animales ou sur la frontière zoo-anthropologique ? Quelle place y occupe notamment l’anthropomorphisme, qu’Élisabeth Plas propose de lire comme un « équivalent stylistique de l’empathie » (« Anthropomorphisme et empathie dans le cycle naturaliste de Jules Michelet », Romanesques, 2014), à l’appui d’une conception continuiste du vivant ?
  • Animal et formes littéraires. Existe-t-il un « animal dramatique », qui serait distinct de l’animal romanesque ou poétique ? Le rossignol paraît ainsi à bien des égards être une exclusivité lyrique. Peut-on alors établir une distribution du bestiaire en termes de genres et de poétiques ? Quels rôles jouent la mise en récit, les modes d’énonciation lyrique ou dramatique ou encore la mise en vers dans les représentations des animaux ? De la même manière, un registre donné présuppose-t-il la présence d’une faune caractéristique ?

D’autre part, constatant l’importance d’un bestiaire nocturne dans les œuvres de la période étudiée, nous proposons d’envisager tout particulièrement l’émergence d’un animal romanticum par le prisme de la nuit, réelle ou métaphorique. Anne Tomiche a par exemple rappelé dans l’article « Rossignol » du Dictionnaire littéraire de la nuit (Alain Montandon dir., 2013) que le romantisme instaure un « lien essentiel entre le rossignol en tant que figure du sujet lyrique et la nuit » (Vol. 2, p. 1272). Ainsi, dans quelle mesure l’affirmation de Georges Gusdorf, selon laquelle le romantisme « fait élection de domicile dans le domaine de la nuit » (Le Romantisme II, 1993, p. 182), s’applique-t-elle à l’animal ? Quels rapports la représentation de la faune entretient-elle avec l’imaginaire nocturne qui alimente et détermine une bonne part de la production romantique (Françoise Court-Pérez, Sylvain Ledda, « Romantisme », Dictionnaire littéraire de la nuit, op. cit.) ?

Dans cette perspective, l’on pourra s’intéresser aux pistes suivantes, non limitatives :

  • Les « bêtes noires » : frontières et axiologie du bestiaire nocturne. D’autres animaux deviennent-ils nocturnes avec le romantisme ? L’animal nocturne bénéficie-t-il de la même empathie que son homologue diurne ? N’hérite-il pas d’abord de la tradition archaïque du péril nocturne (voir par exemple le Psaume 58) et de la peur du loup (Alain Cabantous, Histoire de la nuit XVIIe-XVIIIe siècles, 2009, p. 19) ? Que reste-t-il d’ailleurs de la hantise de la bête sauvage et des chasses fantastiques à l’heure où l’on redoute déjà les attaques nocturnes dans la grande ville (Dominique Kalifa, Crime et culture au XIXe siècle, 2009) ? À la manière de Chateaubriand rappelant que « la nuit a le rossignol et le hibou » (Génie du christianisme), doit-on alors distinguer un bestiaire de la nuit « charmante », d’un autre de la nuit « sinistre » ? L’on pourra notamment interroger les représentations de la ménagerie diabolique ou celle du sabbat, manifestations d’une nuit essentielle, chtonienne et psychopompe.
  • Les prestiges de la nuit. L’informe des ténèbres et le sommeil de la raison impliquent-ils toujours la présence de monstres et/ou de métamorphoses ? Quels rapports les animaux nocturnes entretiennent-ils avec les nombreuses figures du cauchemar présentes dans la littérature romantique ? À l’inverse, cette littérature reflète aussi une tradition du prodige nocturne touchant les animaux, ainsi dotés de parole durant la nuit de Noël (Alfred de Vigny, Le Journal d’un poète, 24 décembre 1847 ; George Sand, Les Visions de la nuit dans les campagnes, 1852), qui pourra être abordée.
  • « La nuit des bêtes ». La prégnance de la métaphore de l’ombre et des ténèbres dans la définition romantique de l’animal, la consubstantialité entre la bête et « sa nuit sépulcrale » (Hugo, L’Âne), cette « énorme nuit des bêtes » (Hugo, La Légende des siècles, Dernière Série, I, 3), pourra être analysée. Dans quelle mesure la pensée philosophique romantique de l’animal est-elle indissociable de l’image de l’ombre ou de la nuit ?

Les communications d’une trentaine de minutes seront suivies d’un échange.

Comité scientifique

Bérangère Chaumont, Professeur agrégée et docteur en littérature française du XIXe siècle (L’AMo)
Isabelle Durand, Professeur de littérature comparée à l’Université Bretagne Sud (HCTI) ;
Morgan Guyvarc’h, PRAG à l’Université Bretagne Sud et doctorante en littérature française du XIXe siècle (HCTI) ;
Judith Wulf, Professeur de littérature française du XIXe siècle et de stylistique à l’Université de Nantes (L’AMo)

Modalités de soumission

Les propositions de communication d’une quinzaine de lignes, accompagnées d’une courte biographie, sont à envoyer :
avant le 31 décembre 2020
aux deux adresses suivantes :
berangere.chaumont@univ-nantes.fr ;
morgan.guyvarch@univ-ubs.fr




À propos :

Bérangère Chaumont

Doctorante allocataire monitrice. Littérature française du XIXe siècle

Courrier électronique : Bérangère Chaumont


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