Helvétius (1715-1771), dont Stendhal disait qu’il lui avait « ouvert les portes de l’homme à deux battants », est souvent considéré comme l’homme d’un seul livre, De l’esprit (1758), qui fut à l’origine du plus grand scandale de librairie du XVIIIe siècle. Son deuxième traité, De l’homme (1773), publié après sa mort par les soins de son secrétaire, Martin Lefebvre de La Roche, et du prince Dmitri Alexéïvitch Golitsyne, fut immédiatement attaqué par Diderot qui s’indignait, non sans mauvaise foi, qu’Helvétius voulût faire un génie « d’un individu quelconque ». La critique souvent injuste de Diderot a longtemps empêché de lire cet important traité sans parti pris et fait obstacle à l’appréciation impartiale d’une pensée utilitariste qui inspira Beccaria et Bentham et dont l’originalité réside dans la dénonciation implacable des abus politiques et religieux de l’Ancien Régime, ainsi que dans l’élaboration d’un égalitarisme républicain avant la lettre.
Le présent ouvrage offre au lecteur une édition critique du livre posthume d’Helvétius. Pour la première fois, son texte est basé sur le manuscrit original et les innombrables fautes et suppressions dont les diverses éditions étaient entachées depuis le XVIIIe siècle ont été dûment corrigées. Le texte est accompagné de notes explicatives aussi complètes que possible qui signalent les multiples sources auxquelles l’auteur a eu recours tout en restituant et éclairant de très nombreuses allusions dont De l’homme et émaillé.
Claude-Adrien Helvétius, De l’homme. Notes explicatives par Gerhardt Stenger. Établissement du texte sur le manuscrit original par David Smith assisté de Harold Brathwaite et de Jonas Steffen. Paris, Champion, 2011, 669 p. (coll. « L’Âge des Lumières »).