À l’heure du Nature writing et du développement de l’écocritique, il est tentant de relier la production des romans faisant référence aux rapports complexes de l’homme et de la nature aux profondes évolutions environnementales que connaît notre œkoumène depuis l’ère de l’industrialisation : l’accroissement du nombre des écofictions, qui ne sauraient être limitées au domaine anglophone, serait ainsi lié à la crise environnementale que nous traversons.
Pour autant cette situation de crise, favorable à la production d’un certain type de romans - dont les formes sont en fait relativement variées -, ne saurait rendre compte de toutes les productions romanesques qui, dans le cours des siècles, témoignent d’un rapport au monde clairement identifiable. D’ailleurs la crise environnementale que connaît le monde contemporain n’est pas unique dans l’Histoire : d’autres crises (catastrophes naturelles ou pas, événements climatiques, comme le petit âge glaciaire avec ses pics et ses conséquences sur la vie quotidienne) intervenant dans des domaines extralittéraires ont pu recevoir dans le passé des traductions dans le domaine littéraire de la fiction. La notion de « sentiment de la nature », souvent utilisée pour évoquer, particulièrement au XVIIIe siècle, un accroissement de la conscience de la nature à travers les œuvres littéraires qui s’épanouit à l’ère romantique, montre d’ailleurs qu’il n’est pas forcément besoin de crise pour justifier l’entrée dans les fictions littéraires de cette préoccupation environnementale : la fréquence du locus amoenus, récurrent dans la littérature médiévale et largement repris par la suite, induit des situations qui témoignent d’une approche souvent euphorique de la nature ; de façon plus neutre, ce sont parfois les phénomènes naturels dont la connaissance scientifique s’accroît au fil des siècles, qui, d’une manière ou d’une autre, font leur entrée dans la fiction.
C’est sur cette question de la nature que se penchera le XXIXe colloque de la SATOR en lien avec le programme de recherche régional Ecolitt qui réunit les Universités d’Angers, de Nantes et du Maine. S’arrêter sur la question de la nature dans le roman devrait permettre, conformément à l’angle de l’analyse topique qui fait le propre des travaux conduits depuis plusieurs années par la SATOR, d’envisager quelles situations narratives enclenche la prise en compte de la nature dans l’élaboration romanesque. Il conviendra pour cela d’évaluer ce degré de prise en compte : la nature peut n’être parfois qu’un simple cadre, mais même à un degré aussi limité, n’est-elle pas à l’origine d’une scénographie qui lui serait propre ? À un degré plus élevé, quelle conscience de la nature se fait jour à travers les romans ? Dans la recherche des topoï narratifs que l’on peut construire autour du thème de la nature, on pourra orienter les recherches dans des directions variées : au delà de l’identification de ce qui se passe dans la nature, on cherchera à repérer des textes dans lesquels l’homme agit sur la nature ou lui accorde un rôle prépondérant sans oublier les cas où la nature devient elle-même actrice. L’animation de la nature est une des formes vers lesquelles peut déboucher le concept de natura naturans qu’on oppose ordinairement à celui de natura naturata. À travers les différentes périodes envisagées, on cherchera à cerner les récurrences, les variations et l’évolution d’une topique environnementale tant dans la littérature française que, dans une perspective comparatiste.
PROGRAMME :
voir http://satorbase.org/
MERCREDI 8 avril
9h. Accueil et introduction
9h30-11h10. La place de l’homme dans la nature
Nicolas CORREARD (Univ. Nantes), Quand le singe descendait de l’homme : Swift, Tyson et les orangs-outans
Pierre CARBONI (Univ. Nantes), Topique de l’horreur naturelle et du tremendum sacré dans certains épisodes narratifs et descriptifs des Saisons de Thomson
Jean-Pierre DUBOST (Univ. Clermont-Ferrand), Écosystèmes hédonistes des Lumières
Cécile BROCHARD (Univ. Nantes), « Le grand Pan n’est pas mort ». La vision de la nature dans les romans de Marguerite Yourcenar
11h10-11h35. Discussion et pause
11h35-12h25. La nature comme dynamique 1
Alain MONTANDON (Univ. Clermont-Ferrand), Le rôle des saisons chez Goethe
Yvon LE SCANFF (Univ. Paris III), Senancour et le roman naturel
12h25-35. Discussion
12h40. Déjeuner
14h-14h50. La nature comme dynamique 2
Nicolas MAUGHAN (AMU), L’esclave et le marais dans les Voyages Extraordinaires de Jules Verne : analyse socio-écologique d’un couple homme/nature emblématique
Marie CAZABAN-MAZEROLLES (Univ. Poitiers), Ceci n’est pas un paysage : poétique postdarwinienne du paysage (London, Golding, Vonnegut)
14h50-15h. Discussion
15h-16h15.Voyages et utopies
Éric MÉCHOULAN, (Univ. Montréal, Canada), Métamorphose et nature chez Cyrano de Bergerac
Isabelle TRIVISANI-MOREAU (Univ. Angers), Les dessous de la terre dans quelques utopies narratives
Mohamed OULED ALLA (Univ. Hassan II Casablanca, Maroc), La nature dans les écrits utopiques de Rétif de la Bretonne (1734-1806)
16h15-16h35. Discussion et pause
16h35-17h50. Le roman sentimental et ses mutations
Paul PELCKMANS (Univ. Anvers, Belgique), La nature comme Rohrschach. À propos de quelques instantanés de Mme de Souza
Philippe POSTEL (Univ. Nantes), Topiques du jardin dans le roman sentimental
Jean-François BIANCO (Univ. Angers), Perversion et imagination : la place de la nature dans deux romans de Révéroni Saint-Cyr
17h50-18h15. Discussion
Jeudi 9 Avril
9h-10h40. Usages des codes
Chantal LIAROUTZOS (Univ. Paris VII), Les trois topographies dans Les Illustrations de Gaule et singularitez de Troye (première édition 1511) de Jean Lemaire de Belges
Sandra CONTAMINA (Univ. Angers), De l’usage décalé des lieux topiques pour un retour vers la nature. Errance dans le paysage littéraire espagnol du Moyen Âge au Siècle d’Or
Yen Mai TRAN-GERVAT (Univ. Paris III), Des topoï paysagers en traduction : le cas de la première partie de Don Quichotte (1605) et de ses premières traductions anglaises (Shelton, 1612) et française (Oudin, 1614)
Marie MIANOWSKI (Univ. Nantes), Le paysage irlandais contemporain dans The Devil I Know de Claire Kilroy
10h40-11h10. Discussion et pause
11h10-12h. Le sauvage en question 1
Loren GONZALEZ (Univ. Toulouse), Du locus ferus au scriptorium : la forêt comme lieu d’élection du geste poétique, de la Vita Merlini au roman de Merlin en prose
Catherine GALLOUËT (Willliam Smith College. Geneva New York, USA), Les espaces sauvages des romans du XVIIIe siècle
12h-12h15. Discussion
12h20. Déjeuner
13h45-14h35. Le sauvage en question 2
Claudia FRASSON (Univ. Venise, Italie), La représentation de la montagne dans les romans français entre les dernières décennies du XVIIIe siècle et les premières années du XIXe
Madeleine JEAY (Univ. Mac Master, Canada), Mer, montagne, forêt : explorations à la recherche de topoi narratifs
14h-35-14h45. Discussion
14h45-16h25. Itinéraires
Marta TEXEIRA ANACLETO (Univ. Coïmbra, Portugal), Personnages bucoliques en quête d’identité : entre le « bois obscur » et le « gracieux dédale » au XVIIe siècle
Max VERNET (Queen’s Univ Kingston Ontario, Canada), Cosmologie, écologie. Les rapports de l’individu et de son milieu dans une nouvelle de Jean-Pierre Camus
Judith SRIBNAI (UQAM, Canada), « Sur la route » : quelques connaissances de la nature au XVIIe siècle
Taïna TUHKUNEN (Univ. Angers), Au cœur ténébreux d’une éco-randonnée littéraire entre la Laponie et la Tasmanie : Oiseau de Malheur de Johanna Sinisalo
16h25-17h00. Discussion et pause
17h. Assemblée Générale de la SATOR
Contacts :
philippe.postel@univ-nantes.fr, Isabelle.Trivisani@univ-nantes.fr
Comité scientifique et d’organisation :
Pierre Carboni (Professeur, Université de Nantes), Jean-Pierre Dubost (Professeur émérite, Université de Clermont-Ferrand), Madeleine Jeay (Ph. D, Mc Master University), Stéphane Lojkine (Professeur, Aix-Marseille Université), Marie Minanowski (Université de Nantes), Dominique Peyrache-Leborgne (MCF HDR, Université de Nantes), Philippe Postel (MCF, Université de Nantes), Marta Texeira Anacleto (Professeur, Universidade de Coimbra), Isabelle Trivisani-Moreau (MCF, Université d’Angers).