Stendhal, célébré pour ses ellipses désinvoltes et ses folles bifurcations, a en même temps, curieusement, le goût de la logique, la manie des présages, le souci des « suites d’actions » et des poétiques secrètes. Aussi imprévisibles que semblent les aventures qu’il écrit (ou qu’il vit), elles sont aussi des adventura : des choses qui doivent advenir. De telles « jouissances contradictoires » invitent à construire une destinologie. Comment donc fonctionne ce qu’on appelle le destin ? Pour Freud, l’inconscient est hors-temps, parce qu’il conserve les traces de notre passé. Ajoutons qu’il contient peut-être aussi notre futur. Stendhal montre que le fatum est moins à chercher dans « le grand rouleau écrit là-haut » que dans les petites phrases formulées ici-bas. Non dans des thèmes, mais dans des schèmes qui demandent à être exhumés et décryptés. Comme si nous parlions à l’avance, sous certaines formes, notre avenir. Comme si nous étions nos propres pythies. Ou comme si le destin ressemblait à une figure de rhétorique.
Figures du destin stendhalien , Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2004, 390 p.