Organisé par Nicolas Correard (Nantes Université), Jean-Charles Darmon (ENS PSL) et Anne Simon (ENS PSL / CNRS)
La zoomorphie satirique, constante dans l’histoire de la littérature depuis Aristophane jusqu’à Orwell, non moins que dans les arts visuels, constitue un vivier de sens susceptible d’actualisations très diverses. L’animal sert-il de masque, de déguisement pour ne pas désigner directement ses cibles, ou bien assure-t-il une fonction de défamiliarisation, au sens de Chklovski, voire d’universalisation ou de naturalisation des désordres sociaux et politiques ? De plus, les figures zoomorphes ne représentent pas toujours les cibles de la satire, comme on l’imagine spontanément : l’animal peut servir de révélateur, ou même de médiateur d’un point de vue qui pourrait être celui de l’auteur, dans certains montages complexes. Par ailleurs, on aurait tort de croire que les figures animales se situent toujours du côté de la négativité, comme dans l’insulte, ou fréquemment dans les formes pamphlétaires de la satire. La présence animale, dans certains cas, n’indique-t-elle pas une issue, voire une possible réparation de mœurs humaines corrompues, l’innocence des bêtes pouvant valoir comme un contrepoint ? Ses effets émotionnels méritent d’être pensés, entre l’amusement susceptible de nourrir la dimension comique de la satire, et la hantise de basculer dans l’inhumain : la tentation de la violence, voire de la sauvagerie, peut être dénoncée par le satiriste, mais elle guette aussi son mode d’expression railleur, parfois agressif (jusque dans la syntaxe ou le lexique). Ce n’est pas un hasard si la satire, alors qu’elle renvoie étymologiquement au pot-pourri, a longtemps été associée au satyre, à un être chimérique, liminaire : l’hybridité la caractérise, de même que l’agressivité potentielle, mais aussi une certaine fécondité. Enfin, faut-il supposer que les auteurs satiriques ne s’intéressent qu’à la valeur symbolique ou allégorique du bestiaire, dans l’indifférence envers la réalité animale ? N’y a-t-il pas au contraire, dans de nombreux cas, une tension entre une polarité « zoosatirique », qui tient à l’intentionnalité ciblée de textes critiques et polémiques, et une polarité proprement « zoopoétique », qui permet une incursion imaginaire dans le monde alternatif d’autres vivants ? Ce colloque entend répondre à de telles questions en assumant une conception large du domaine de la satire comme forme d’expression privilégiant le rire moqueur et orienté, qui n’exclut évidemment pas les formes poétiques privilégiant une conception plus stricte du genre. Les objets littéraires seront privilégiés, mais le rapport entre le texte et l’image (physiognomonie, beaux-arts, dessin de presse, cinéma) pourra être l’objet de réflexions.
JEUDI 7 NOVEMBRE
Amphithéâtre Gallois, École normale supérieure, 45 rue d’Ulm, Paris 5e
SESSION 1. FIGURES ANIMALES DE LA PREMIERE MODERNITE, ENTRE POLEMIQUES ET HETERODOXIES
14h – Accueil des intervenants
14h30 – Hélène Aji (directrice de l’unité République des Savoirs)
Ouverture du colloque
Nicolas Correard, Jean-Charles Darmon, Anne Simon
Présentation
14h45-15h15 – Louise Millon-Hazo (Nantes Université)
« “En quelle hiérarchie de tels animaux vénéneux mettez-vous la femme future de Panurge ?” Zoomorphie et misogynie chez Rabelais »
15h15-15h45 : Mathieu de La Gorce (Université Paris Nanterre)
« “Comme une tortuë hors de sa coquasse ou une pie borgne hors de sa cage”. L’animal dans la polémique religieuse du XVIe siècle, entre langage et image »
15h45-16h00 – Discussion
16h00-16h30 – Pause
16h30-17h00 – Michèle Rosellini (ENS Lyon)
« L’animal révélateur ou les usages complexes de la zoomorphie par Cyrano de Bergerac, de la satire socio-politique à l’expérimentation poétique du vivant »
17h00-17h30 – Emmanuel Bury (Sorbonne Université)
« Entre satire et scepticisme : les paradoxes de l’âne chez La Mothe Le Vayer »
17h30-18h – Discussion
VENDREDI 8 NOVEMBRE
Salle des Gardes, Institut d’études avancées de Paris, 17 quai d’Anjou, Paris 4e
(Pré-inscription impérative sur ce lien)
SESSION 2. MATINEE – DES BESTIAIRES ENTRE METAPHORE ET LITTERALITE
9h30 – Accueil des intervenants (collation)
9h50 – Entrée du public (sur inscription préalable)
10h-10h30 – Nicolas Correard (Nantes Université)
« Zoo-anthropologie : le bestiaire social entre allégorie, physiognomonie et sens littéral au XVIIe siècle »
10h30-11h – Jonathan Pollock (Université de Perpignan Via Domitia)
« Vision et dérision animales chez William Shakespeare et Ursula le Guin »
11h00-11h15 – Discussion
11h15-11h30 – Pause
11h30-12h00 – Elisabeth Plas (Université Sorbonne nouvelle)
« Les animalités plastiques de Grandville. Satire, visions et fantaisies »
12h00-12h30 – Orietta Ombrosi (Università di Roma La Sapienza)
« Écritures et déchirures félines. Le Chat Mur d’E.T.A. Hoffmann et la relecture de Sarah Kofman »
12h30-12h50 – Discussion
13h-14h – Déjeuner (intervenants)
SESSION 3. APRES-MIDI – SATIRES METAMORPHIQUES ET METAMORPHOSES DE LA SATIRE
14h00-14h30 – Anne Simon (CNRS – ENS PSL)
« Singe-orateur, vermine-fils et autres dragons verts : métamorphoses animales de la satire chez Kafka »
14h30-15h00 – Pilar Andrade Boué (Universidad Complutense de Madrid)
« Les émotions de la satire dans Nos animaux préférés d’Antoine Volodine »
15h00-15h15 – Discussion
15h15-15h30 – Pause
15h30-16h00 – Romain Bionda (Université de Lausanne)
« Lion ou œuf au plat ? Fonctions dramatiques et théâtrales de la zoosatire dans Das Reich der Tiere de Roland Schimmelpfennig et dans quelques pièces Copi »
16h00-16h30 – Franck Collin (Université des Antilles)
« La vache folle et le bovin enfant. Une satire zoomorphique face au réarmement nataliste des XXe-XXIe siècles (Orwell, Boyer, Hadjadj) »
16h30-16h45 – Discussion
16h45-17h15 – Synthèse du colloque par Jean-Charles Darmon (ENS PSL)