L’essor de l’encyclopédisme numérique, dont le succès de Wikipédia est le signe le plus frappant, n’est pas sans bousculer un paradigme classique, qu’on croyait établi depuis Diderot et D’Alembert. Ce phénomène rend d’autant plus actuel le besoin de comprendre les origines de l’encyclopédisme tel que nous le connaissons : tout ce qui ne va plus de soi, depuis un ou deux décennies, n’allait justement pas de soi jusqu’à l’avènement de la modernité. Or, si l’étude de l’encyclopédisme, depuis quelques grands travaux fondateurs, a connu des avancées considérables, c’est parfois au prix d’une spécialisation qui se traduit par une raréfaction des approches diachroniques.
Ce colloque entend faire le point sur l’actualité des recherches concernant l’encyclopédisme ancien, jusqu’à l’époque de parution de l’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Comment rassemble-t-on et comment classe-t-on les savoirs ? Dans quel but ? Et tout d’abord, qu’est-ce qui fait savoir, qu’est-ce qui est consacré comme tel par le geste du rassemblement ? Au-delà de questions traditionnelles relevant principalement de l’histoire des sciences (le rapport entre l’encyclopédisme et l’état des connaissances), nous voudrions interroger des points tels que la désignation des formes encyclopédiques (« questions », « sommes », « trésors », « miroirs », « théâtres », « sylves », etc.), leur connexion avec des formes parentes (dictionnaires, miscellanées, « anatomies »), le rapport entre discours encyclopédique et autorité (effort de synthèse ou exposé d’une doxographie parfois contradictoire ? Didactisme ou heuristique ?), le choix de la langue (entre spécialisation du lexique et vulgarisation), ou encore du style (la neutralité descriptive n’ayant pas toujours été de mise : l’encyclopédisme peut être polémique, ironique, encomiastique, etc.).
La disposition en cercle des savoirs, sens étymologique de la notion d’encyclios paideia, suppose en effet un geste d’écriture, corollaire de la recherche d’un sens : l’accumulation des savoirs n’a pas toujours été tenu pour un effet positif ou pour une finalité propre de l’encyclopédisme, pénétré de discours moraux, philosophiques ou théologiques qui en conditionnent l’existence. Toute pratique de l’encyclopédisme suppose donc un imaginaire culturel des savoirs, qu’il nous appartient de comprendre.
PROGRAMME
Le 5 juin à l’Université de Nantes, faculté des Lettres (salle du conseil, bâtiment du Tertre)
10h30 : Accueil
10h45 : introduction du colloque
11h15-12h30
- Frédéric Le Blay (Université de Nantes) : Les enjeux philosophiques et historiques de l’encyclopédisme dans l’Antiquité : une conception positive de la connaissance
- Jacques Schamp (Universität Freiburg) : La Bibliothèque de Photios, encyclopédie ou livre de vie ?
Déjeuner
14h-15h15
- Denis Hüe (Université Rennes II) : Encyclopédisme et moralisation (le cas du Rosarius)
- Pierre Maréchaux (Université de Nantes) : L’encyclopédisme mythographique à la Renaissance
Pause café
15h30-17h15
- Isabelle Pantin (ENS Ulm) : La Margarita Philosophica de Gregor Reisch est-elle une encyclopédie ?
- Marie-Dominique Couzinet (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) : L’encyclopédisme comme programme éducatif chez Pierre Ramus : conjonction ou réduction ?
- Christine Orobitg (Aix-Marseille Université) : Le savoir encyclopédique face aux nouvelles réalités de l’Amérique
Le 6 juin à la Cité des Congrès (dans le cadre des Journées scientifiques de l’Université)
Inscription en ligne sur le site des Journées scientifiques de l’Université
9h-10h15
- Marina Mestre (ENS Lyon) : Ingenio et savoirs chez Huarte de San Juan
- Anne Teulade (Université de Nantes) : La mise en scène du savoir : dissection, théâtralité et encyclopédisme chez Garzoni et Burton
Pause café
10h30-12h15
- Nicolas Correard (Université de Nantes) : Accumulation, déclamation, destruction : le contre-encyclopédisme d’Henri-Corneille Agrippa (De incertitudine et vanitate scientiarum, 1530)
- Violaine Giacomotto-Charra (Université Michel de Montaigne Bordeaux 3) : Un renouveau encyclopédique ? Formes de l’encyclopédie en prose entre 1580 et 1610
- Philippe Chométy (Université Toulouse 2) : Jean Magnon, un anti-Lucrèce ? Poésie et encyclopédisme dans La Science universelle (1663)
Déjeuner
14h-15h15
- Isabelle Moreau (University College of London) : Encyclopédisme et polémique (autour du Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle)
- Michel Malherbe (Université de Nantes) : La Cyclopaedia de Chambers : les mots et les termes
Pause café
15h30-16h45
- Marie Leca-Tsiomis (Université Paris Ouest Nanterre La Défense, Paris X) : « En quoi l’Encyclopédie de Diderot, D’Alembert et Jaucourt est-elle une »encyclopédie" ?
- Christiane Mervaud (Université de Rouen) : L’encyclopédisme des Questions sur l’Encyclopédie de Voltaire ?
18h Cocktail (sur inscription)