Parce qu’elle est fondamentalement interprétation, une traduction vieillit généralement plus vite que l’oeuvre originale. Qu’y a-t-il de commun, par exemple, entre la version donnée d’Homère par Mme Dacier au XVIIIe siècle, la version de Leconte de Lisle un siècle plus tard, et celle de Philippe Jaccottet au XXe siècle, si ce n’est le texte d’Homère lui-même ? D’une retraduction à l’autre se lit toute la distance du temps qui passe, des convenances qui évoluent, de la langue qui se transforme, des goûts et des pratiques d’écriture qui se modifient... Pour autant, le dilemme du traducteur (être fidèle à “l’esprit” ou à la “lettre” du texte étranger) reste, lui, toujours le même. La retraduction semble un point d’observation idéal pour analyser « la pulsion de traduction entretenue par l’insatisfaction à l’égard des traductions existantes » (Paul Ricoeur). Pourquoi (pour qui) retraduit-on ? Pour rectifier les erreurs avérées d’une traduction antérieure ? Pour répondre à un “horizon d’attente” littéraire et culturel en constante mutation ? Pour des raisons banalement commerciales ? Quel type de relation un (re)traducteur entretient-il avec la version produite par son ou ses prédécesseurs ? Autant de questions que cet ouvrage aborde en explorant des retraductions de textes littéraires en prose ou en vers, de la Bible, de livrets d’opéra, des retraductions-adaptations pour la scène, des traductions-relais (effectuées à partir d’une langue intermédiaire), etc. Dans une perspective interdisciplinaire, ce volume s’intéresse à l’étude de traductions multiples d’une même oeuvre, à l’investigation des conditions socioculturelles de leur production et de leur réception, aussi bien qu’aux techniques et processus de retraduction, à leur évaluation, sans omettre de faire appel à l’expérience concrète, menée “sur le terrain”, par les praticiens de la (re)traduction d’aujourd’hui.
C. Lombez (dir.), Retraductions - De la Renaissance au XXIe siècle, Cécile Defaut, coll. « Horizons Comparatistes », Nantes, 2001, 283 p.