« Tout ce qui a été écrit par les hommes sur les femmes doit être suspect, car ils sont à la fois juge et partie ». Invitant à considérer avec prudence les discours masculins tenus sur les femmes – dont relève paradoxalement le traité De l’égalité des deux sexes –, le célèbre constat de Poulain de la Barre trouve toujours, quelques siècles plus tard, son écho dans les études universitaires. La recherche actuelle s’emploie en effet de plus en plus à examiner, interroger et déconstruire les représentations du « beau sexe » sous la plume des hommes, en les comparant notamment à la vision que les femmes donnent d’elles-mêmes. L’examen de textes d’autrices a ainsi ouvert un champ d’investigation toujours dynamique révélant le point de vue des femmes sur leur propre vie, ou encore sur leur valeur. Encouragés par le développement des gender studies, colloques et publications interrogeant la représentation des femmes en divers espaces et temps se sont multipliés. En 2012 et en 2017, l’Université de Bretagne a ainsi convié les chercheurs à questionner l’image des femmes de sciences, puis de pouvoir à travers l’histoire. À la Sorbonne en 2016, c’est aux représentations du corps féminin à la Renaissance que se sont intéressés les intervenants. Dernièrement, à l’invitation de l’Université Côte d’Azur, plusieurs chercheurs se sont penchés sur les « Représentations littéraires et artistiques de la femme japonaise depuis le milieu du XIXe siècle ». Ces manifestations ne sont que les échantillons récents de la réflexion foisonnante engagée sur le sujet.
Cependant, n’est-ce pas demeurer prisonnier d’une perspective héritée de longs siècles de « querelle des femmes » que de toujours orienter l’étude vers les perceptions et représentations de celles-ci ? Alors que les visages du féminin sont de plus en plus étudiés, scrutés à la faveur de différentes perspectives, les représentations des hommes demeurent peu questionnées, en particulier du point de vue des femmes. Récemment, plusieurs colloques comparatistes ont interrogé les représentations du masculin, comme « Fiction(s) du masculin » aux XIXe et XXe siècles, à Paris en mai et juin 2012 puis, trois ans plus tard, « Cartographie du masculin » (Paris, 2015) qui a prolongé la réflexion du colloque précédent en l’ouvrant aux siècles antérieurs. Néanmoins, les représentations des hommes au prisme du regard féminin sont encore peu envisagées par la recherche universitaire. N’est-il pas alors temps de considérer ce qui a été écrit par les femmes sur les hommes, non pour questionner la sincérité de leurs textes, mais pour apporter un réel contrepoint à la recherche sur les femmes de l’Ancien Régime ? Au lieu d’interroger les représentations de cet « Autre » qu’est la femme, objet de discours masculins ou féminins, il s’agirait enfin d’examiner comment les femmes conçoivent « leur Autre » : en somme, de faire changer l’altérité de camp.
Cette journée d’étude pluridisciplinaire s’inscrit dans le regain d’attention actuel dont bénéficient les œuvres de femmes. Elle s’intéressera au regard que les femmes de France des XVIIe et XVIIIe siècles ont posé sur les hommes, et à la manière dont elles les ont représentés. Les propositions pourront porter sur des corpus fictionnels ou non fictionnels, ainsi que sur tout mode d’expression artistique.
Soumission d’une contribution
Les propositions (250 mots maximum), suivies d’une brève bio-bibliographie, sont à envoyer au comité organisateur avant le 15 octobre 2019.
Contacts
Caroline Biron : caroline.biron@univ-nantes.fr
Anne Boiron : anne.boiron@univ-nantes.fr
Nathalie Grande : nathalie.grande@univ-nantes.fr
Lieu et date
Regards de femmes aux XVIIe et XVIIIe siècles
Journée d’étude pluridisciplinaire
Université de Nantes
3 avril 2020