La légende de Troie demeure sans doute l’un des mythes « fondateurs » de la conscience et de la civilisation du monde occidental, qui traverse toute l’évolution de la littérature grecque et latine, jusqu’au Moyen Âge et même au-delà. Les différentes interprétations de cette légende donnent pourtant une idée claire de l’évolution sociale et culturelle, à savoir le changement des valeurs éthiques, politiques et esthétiques, qui a caractérisé au fil du temps la réception du mythe.
Dans l’un de ses écrits les plus célèbres, le Discours Troyen, l’orateur et philosophe grec Dion Chrysostome (Ier-IIe s.) s’efforce de montrer, contre la culture classique traditionnelle d’origine homérique, que Troie n’a jamais été prise : Dion y relit, en des termes novateurs et originaux, surtout très clairement anti-homériques, le mythe troyen, en faisant appel à d’autres versions inconnues, dont les origines ne sont pas toujours si faciles à trouver.
Il s’agit d’une version alternative et, pour ainsi dire, « provocatrice » de la légende de Troie, qui eut beaucoup de succès au Moyen Âge, grâce aussi à la traduction latine du discours de Dion que procura François Philelphe, et dont s’inspira à son tour Jean de Beauvau pour sa version française.
Celui de Dion n’est pas pourtant le seul exemple d’une version alternative de la légende de Troie : il avait été précédé par d’autres auteurs, tel que Dictys de Crète et Darès le Phrygien, modèles pour l’auteur du Roman de Troie.
Ainsi que le prouvent les œuvres de Dion, de Dictys et de Darès, cet ensemble de « variantes » du mythe troyen, peu répandu et presque inconnu dans l’Antiquité Classique, se diffuse largement à l’époque impériale et tardive et jusqu’au Moyen Âge, où ces variations sur le mythe classique non seulement sont beaucoup appréciées, mais offrent aussi de la matière pour des œuvres célèbres (que l’on pense au Roman de Troie ou au Philostrate de Boccace), non sans laisser des traces clairement visibles dans d’autres écrits, tel que le Trésor de Brunetto Latini ou la Divine Comédie de Dante, où la narration du mythe troyen occupe une place moins importante.
Cette approche « innovante » du mythe de Troie est à la fois conséquence et preuve d’un changement culturel capital, qui marque bien la transition du monde antique au Moyen Âge. La réinterprétation de cette légende correspond en effet à une vision nouvelle de la civilisation ancienne, filtrée à travers l’époque impériale et tardive puis remodelée par la mentalité et la culture médiévales.
L’objet de ce numéro thématique des « Cahiers de L’AMo », qui pourrait être précédé ou suivi d’un colloque international ou une journée d’études, a pour but d’analyser et d’approfondir les raisons de la « création » et de la diffusion à l’époque impériale et tardive de ces variations sur le mythe classique de Troie et la préférence qui leur a été accordée au Moyen Âge.
Les propositions de contribution, accompagnées d’un court descriptif (15 lignes environ), ainsi qu’une brève notice biographique (comprenant statut, établissement de rattachement, adresses mail et postale) sont à adresser pour le 30 septembre 2013 à :
- Pour les contributions de Littérature et langue du Moyen Âge)
Élisabeth Gaucher-Rémond
Professeur des universités
Directrice de L’AMo
Université de Nantes
elisabeth.gaucher@univ-nantes.fr
- Pour les contributions de Littérature et langue classiques
Eugenio Amato
Professeur des universités
Membre de l’Institut Universitaire de France
Université de Nantes
eugenio.amato@univ-nantes.fr
ou
Giampiero Scafoglio
Professeur contractuel
Seconda Università di Napoli
scafogli@unina.it
Les articles seront à envoyer pour le 28 février 2014.
Adresse : Université de Nantes, Faculté des Lettres Rue de la Censive du Tertre 44000 Nantes