La fortune de Lucien de Samosate à la Renaissance a été bien retracée par les nombreuses études de réception, mais ses ramifications aux xviie siècle restent encore mal connues, non en raison de leur rareté, mais en raison de leur abondance : le socle humaniste ne disparaît pas, mais il éclate en une multitude de prolongements avec le passage aux langues vulgaires et l’émergence de nouvelles normes esthétiques, qui privilégient certains traits choisis de la poétique de Lucien. Ce mouvement de diversification, qui rend très hypothétique l’existence d’un « lucianisme » au sens de mouvance littéraire structurée comparable à celle qui avait émergée sous le patronage d’Érasme au xvie siècle, ne doit pas conduire à préjuger d’un tarissement. C’est au contraire l’extraordinaire fécondité des œuvres du sophiste grec dans leur réception moderne qui ressort de ce numéro, ambitionnant de dégager quelques-unes de ces ramifications.
Lucien et la satire en prose au XVIIe siècle, dir. N. Correard, XVIIe siècle, n°286, 2020-1. ISBN : 978-2-13-082384-1
Sommaire
Nicolas Correard, Introduction
Bernd Renner, « Tout ce qui a été, est et sera » : Béroalde de Verville et le mélange ménippéen
Pascal Debailly, Le Père Garasse et la poétique du libelle diffamatoire : l’utilisation de Lucien, de Rabelais et de Régnier
Bruno Roche, La Mothe le Vayer à l’école du « gentil Lucien »
Michèle Rosellini, Prose satirique / discours satyrique : l’intertexte de Lucien dans les dialogues français d’éducation érotique au XVIIe siècle
Emmanuel Bury, Variations galantes sur la satire philosophique : le Lucien de Perrot d’Ablancourt (1654)
Nicolas Correard, Le Supplément de l’Histoire véritable de Frémont d’Ablancourt : gratuité ludique ou sens allégorique ?
Theodora Grigoriadu, Une continuation des Histoires vraies de Lucien dans l’Espagne du Siècle d’or : imitation et satire politique dans le Libro tercero de Francisco de la Reguera
Sònia Boadas, Lucien de Samosate et les voyages célestes dans la littérature du Siècle d’or
Pierre Darnis, Miguel de Cervantès et la ménippée lucianesque : vers une définition de Don Quichotte ?