En 1958, commentant le premier roman d’un jeune écrivain, Aragon écrivait dans Les Lettres françaises : « Je n’ai jamais rien demandé à ce que je lis que le vertige : merci à qui me fait me perdre, et il suffit d’une phrase, d’une de ces phrases où la tête part, où c’est une histoire qui vous prend. Aucune règle, ne préside à ce chancellement pour quoi je donnerais tout l’or du monde ». Il y a beaucoup de choses qu’on ne peut pas demander à l’oeuvre d’Aragon. Il y en a beaucoup qu’on ne peut accepter d’elle qu’avec la plus haute prudence. Mais, quant au vertige, il n’est que peu d’écrivains qui aient su le susciter avec tant d’excès et de virtuosité. Il y a, pour parler comme Aragon, un « perdre-pied » propre à cette oeuvre et qui lui confère son mouvement frénétique, l’arrache sans cesse à ce qu’elle est, la sauve en somme d’elle-même« . Romancier et essayiste, Philippe Forest a également contribué à l’édition des oeuvres complètes d’Aragon dans la Pléiade dont le dernier volume paraît cet automne aux éditions Gallimard. Vertige d’Aragon constitue le sixième »épisode« du »feuilleton critique" qu’il publie aux éditions Cécile Defaut sous le titre emprunté à Joyce d’Allaphbed. Il rassemble les textes qu’il a consacrés depuis une vingtaine d’années à l’auteur du Mentir-Vrai.
Philippe Forest, Vertige d’Aragon, Editions Cécile Defaut, 2012, 313 p.