La traduction d’œuvres littéraires est l’un des moyens les plus sûrs pour s’ouvrir à d’autres traditions d’écriture et faire ainsi dialoguer les
cultures. Toutefois, ce dialogue peut se révéler biaisé lorsque l’activité
des traducteurs se déploie dans un cadre politiquement contraint et
orienté par des desseins idéologiques. Quel « Autre » importe-t-on, dans ces conditions, vers la langue-cible ? Comment, pour quel public et avec quel objectif ? La période de l’Occupation allemande en France (1940-44) cristallise de manière exemplaire ces interrogations. Les quatre années durant lesquelles la France a été soumise à la loi de l’Occupant a eu, outre d’évidentes répercussions politiques et économiques, un impact important dans la vie culturelle du pays : il s’agissait en effet pour l’Allemagne fasciste de mettre au pas la France vaincue après l’armistice de 1940 et de lui imposer un ordre nouveau fondé sur les valeurs nationales-socialistes, avec, au premier plan, et au moyen de la traduction en français, l’introduction massive d’auteurs allemands sur le marché éditorial « officiel » (contrôlé pour tout ou partie par des capitaux allemands).
De ce fait, les années d’Occupation ont vu éclore (en France, mais aussi
dans d’autres pays francophones comme la Belgique) un très vif intérêt
pour la pratique de la traduction littéraire ; elles ont également nourri
dans la presse de tous bords de nombreux débats sur les oeuvres choisies, la manière de les traduire, les profils (parfois controversés) des traducteurs - autant de problématiques dont notre projet ambitionne de rendre compte. Il s’agira donc, en coopération avec une équipe internationale et grâce à une importante collecte de données
bibliographiques encore inédites, de mettre au jour tout un pan de
l’histoire littéraire française et francophone qui n’a, jusqu’à
aujourd’hui, jamais fait l’objet d’une exploration systématique.