Ce carnet Hypothèses, Ethique et esthétique de la simplicité, mis en place par Cécile Mahiou, rassemble des documents (introductions, résumés, illustrations, bibliographies, powerpoints) qui constituent une première base de données concernant le projet collectif mené à Nantes Université, de 2022 à 2024, sur la question de la simplicité, comme forme artistique mais aussi comme valeur. Ce projet collectif a pris la forme d’un séminaire mensuel interdisciplinaire et international, ainsi que de deux Journées d’étude, l’une consacrée à la simplicité au XIXe siècle, l’autre aux échanges entre culture orientale et culture occidentale sur la question.
Un premier constat s’est imposé : la simplicité est en soi, une notion complexe : connotée soit positivement (elle peut être considérée comme éthiquement bonne, quand elle suppose l’absence de duplicité), elle peut l’être aussi négativement (quand elle signifie au contraire simplification et appauvrissement de la pensée).
De plus, le développement des sciences et des techniques, la complexification des structures sociales, des circuits économiques, des enjeux de pouvoir, tout semble éloigner toujours davantage l’homo economicus de la simplicité. Dans son sens premier, la simplicité est ce qui est un, ce qui ne comporte pas plusieurs plis, ce qui n’est pas double ou pluriel sur le plan physique, ou encore ce qui ne présente pas de duplicité sur le plan moral. L’idéal de simplicité ne serait-il pas, alors, seulement une utopie, ou pire, une illusion ? utopie ou illusion qui, pourtant, n’a cessé d’apparaître comme un véritable enjeu culturel, comme un horizon éthique et esthétique à préserver et à repenser, corrélé, selon les époques et leurs problématiques propres, aux notions de clarté intellectuelle, de vérité, d’absence d’artifice, de retenue et de sobriété. Depuis les premiers effets de la révolution industrielle jusqu’à aujourd’hui, la notion intervient, de fait, dans les polémiques et les conflits politiques engendrés par des visions fortement polarisées autour des questions de croissance et de décroissance, de productivisme et de sobriété.
En art (littérature, architecture, sculpture, danse, arts graphiques, musique…), la notion de simplicité est associée à celles de primitivité, de naïveté, de naturel, de stylisation, d’épure, d’abstraction, de minimalisme, de non-art. En littérature, s’invitent dans le débat les questions de rhétorique (qu’est-ce qu’un style simple, et quels sont les buts qu’il recherche ?), de genres littéraires (le conte, le récit bref, la littérature de jeunesse, la poésie, le roman populaire…), mais aussi d’altérité culturelle (les cultures orientales et extrêmes orientales, indiennes, africaines, autochtones ont-elles le même rapport à la notion de simplicité que les cultures occidentales ?). L’idéal de simplicité peut également être pensé, indépendamment des questions de formes, comme le fruit de parcours complexes aboutissant à des choix de vie (sobriété, rusticité, retrait du monde) incarnés par des personnages fictionnels ou par des figures artistiques finalement eux aussi plus complexes qu’ils n’en ont l’air (le « peuple », les « simples », les « innocents », les « idiots »). La simplicité est ainsi interrogée à travers des formes qui mesurent ces tensions entre la complexité du monde et le désir d’un rapport plus immédiat, plus simple (plus facile ?) avec les choses et les êtres.
Carnet Hypothèses : https://simplicite.hypotheses.org/